L'Opéra de Lille donne actuellement un magnifique Rigoletto, avec en particulier Stefano Antonucci dans le rôle titre et Stacey Tappan dans celui de Gilda.
Rigoletto (G. Verdi, 1851, d'après Le Roi s'amuse de V. Hugo), c'est bien sûr une sévère critique des puissants qui s'amusent aux dépends des obscurs, des sans-grade, comme ce pauvre bouffon bossu de Rigoletto, mais c'est aussi la malédiction (titre original de l'œuvre) qui s'acharne sur Gilda et son trop possessif père, Rigoletto. À force de vouloir faire son bonheur malgré elle, les choses se terminent mal...
À Lille, le duo Rigoletto-Gilda fonctionne à merveille. À la fin du 2e acte, les deux protagonistes fusionnent dans un duo qui vous met les larmes aux yeux. Au début du 3e, Rigoletto donne la mesure du malentendu ("Elle est mon seul bien", dit-il.) À partir de ce moment-là, les quiprocos s'enchaînent jusqu'à conduire au sublime duo du dénouement qui voit Gilda mourir d'avoir transgressé les interdits paternels, et Rigoletto à jamais mort-vivant, inconsolable et découvrant trop tardivement que nos enfants ne nous appartiennent pas.
Si la mort permet finalement à Gilda de transcender la situation, Rigoletto restera pour toujours l'homme vaincu par un destin qu'il s'est lui même tracé.
Finalement, les deux thèmes centraux de cet excellent Verdi n'ont pas vraiment pris de rides en un siècle et demi : l'arrogance bling-bling des puissants ("Je l'aime, elle est belle, elle est intelligente, elle parle deux langues", suivi de "je l'aime, elle est belle, elle est intelligente, elle parle quatre langues" auraient tout aussi bien pu sortir de la bouche du Duc de Mantoue) ; quant aux enfants, malgré mai 68, le féminisme et toute la modernité du XXIe siècle, sommes-nous bien sûrs qu'ils ne nous appartiennent vraiment plus... Et le savent-ils eux-mêmes ? Je n'en suis pas certain.
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