vendredi 7 mars 2014

Où l'on découvre que Paul Éluard n'a pas écrit que des chefs-d'œuvres

En faisant quelques recherches sur Fougeron (voir le billet précédent), je suis tombé sur une archive (courageusement) mise en ligne par le Parti Communiste ; il s'agit d'un court métrage réalisé à l'occasion du 70e anniversaire du camarade Staline. Il est titré, en toute simplicité :
L'homme que nous aimons le plus


Tout comme la carte postale qui illustre mon billet sur Fougeron, ce petit film a un côté surréaliste difficile à croire. Et pourtant, c'est un vrai film, vraiment interdit par la censure et dont le générique porte des noms aussi prestigieux que Jean Wiener, Claude Sautet, et surtout, surtout, Paul Éluard qui écrivit et lut personnellement le commentaire.
Commentaire qui, disons-le, vaut son pesant de caramels. Allez, juste pour vous mettre l'eau à la bouche, deux brefs extraits :
"Sans le cœur de Staline, sans sa raison ardente, les blés ne lèveraient pas aujourd'hui pour nous. Ceux qui les font pousser le savent."
 Et celui-ci, dans lequel Éluard n'a pas pu s'empêcher de faire des alexandrins :
"Et les mineurs sourient à leur dure besogne, 
d'un sourire clair et chaud comme un feu de charbon 
et Thorez, avec eux, sourit à l'avenir."
Étrange...

jeudi 6 mars 2014

Fougeron à la Piscine

Fougeron, la cuisinière endormie
Les Coings, ou La cuisinière endormie
Très belle rétrospective André Fougeron (1913-1998) à La Piscine à Roubaix, un musée idéal pour présenter l'œuvre de ce peintre autodidacte, membre du Parti Communiste de 1938 à sa mort, résistant et représentant quasi officiel du réalisme socialiste à la française.
Aujourd'hui, ce genre de message est naturellement un peu difficile à comprendre...
Fougeron, Dimanche matin d'une ménagère
Dimanche matin d'une ménagère

Sans doute faudra-t-il encore quelques années pour oublier l'histoire (voir le très intéressant billet de René Merle sur "La civilisation atlantique" et l'affaire du portrait de Staline) et regarder la peinture de Fougeron avec un œil innocent. Mais on peut d'ores et déjà s'y risquer. 

Quand il peint, Fougeron tape fort ! Et pas seulement quand il commet des affiches pour le PC, ni même quand il rend un vibrant hommage à André Houiller, militant communiste assassiné par un policier en civil alors qu'il collait des affiches justement illustrées par Fougeron lui-même.
Fougeron instille le drame dans le portrait même, et ses plus belles toiles sont sans doute celles qui se passent totalement de contexte, comme "La cuisinière endormie", généreusement donnée au Musée par ses héritiers.



Fougeron, Les Juges, Le pays minier
Les Juges, le pays des Mines (détail)
Au total, la rétrospective compte un nombre impressionnant de toiles, mais aussi de nombreux travaux préparatoires (dessins à la mine de plomb, gouchages, fusains, encres de Chine) tout à fait passionnants du point de vue de la genèse des œuvres.  La salle sur "Le pays des Mines" compte, outre des scènes de vie locale très réussies (le coulonneux, les coqueleux, les cyclistes...), un tableau-réquisitoire contre l'insécurité dans les mines (en 1950, 60 morts sur les 61 premiers jours de l'année ! note-t-il en marge d'un dessin), dont le portrait ci-contre est un détail hallucinant.

On l'aura compris, Fougeron n'a jamais peint un modèle qui ait gagné plus que le SMIC ! Son inspiration, ce n'est pas du côté de Vélasquez qu'il faut la chercher, mais plutôt de Goya ou de Courbet (à qui il rend un hommage appuyé.)
Mais allez donc voir par vous-mêmes : La Piscine à Roubaix.