samedi 26 janvier 2013

Mot-dièse, y'a comme un bémol !

Les Immortels, qui ont bien du mal à remplacer ceux d'entre eux qui viennent de s'apercevoir qu'ils ne l'étaient pas, s'occupent à leur mission première : la défense de la langue française.
Leur dernière trouvaille, le "mot-dièse" a fait couler pas mal d'encre, et m'a engagé dans un débat sur Twitter. Etant novice en la matière, je ne me suis pas tout de suite rendu compte qu'exposeer un argument en 140 caractères pouvait être un peu difficile :)

Or donc, je développe un tout petit peu :

1) le dièse (cf. le Tlfi) est un "signe musical placé à la clef ou devant une note pour indiquer qu'il faut hausser d'un demi-ton une note ou l'ensemble des notes d'un morceau."
Ce signe est typographiquement représenté par 2 tirets parallèles verticaux croisés de 2 tirés obliques plus gras (la différence de graisse entre les 2 jeux de tirets relevant de l'art du fondeur.)
Ça donne en gros ceci :



Qui, une fois retaillé, donne le bécarre (qui justement, annule le dièse) :

Ce signe est représenté de façon constante avec cette structure sur toutes les partitions que j'ai pu voir, et dans les catalogues des fondeurs (cf. par exemple la P22 Music vendue par Fontshop.)

Sur Twitter, un honorable correspondant m'explique que oui, mais "l'esperluette s'écrit de multiples façons mais ne change pas de nom pour autant".
C'est que l'esperluette ne s'écrit justement pas de multiples façons ; enfin, pas tant que ça. Et en particulier, elle ne s'écrit pas en inversant le glyphe.
De même la lettre s peut s'écrire avec des boucles égales (comme dans la typo utilisée ici) ou inégales ; mais dans ce cas, la boucle la plus grande sera toujours celle du bas.  Et le ventre de la boucle du haut sera toujours à gauche.

2) Mais alors, ce "croisillon" que des immortels peu mélomanes ont confondu avec le dièse, qu'est-ce ?
                                                     #
Pour tout dire, je n'en sais rien. Wikipédia dit qu'il s'agit d'un signe créé par les informaticiens américains, on n'est pas obligé de les croire.
Ce que l'on est obligé de croire, en revanche, c'est que dièse, en américain ou en anglais, ne se traduit pas par "hash", mais par "sharp" ; si un mot est un mot, alors un "hashtag" n'est pas un "sharptag".
En outre, le glyphe du croisillon est inversé par rapport à celui du dièse (ce sont les horizontales qui sont parallèles) et sans différence de graisse.
"Quelles sont vos indiscutalbes références, me demande en substance mon honorable correspondant ?" Et moi de lui répondre : "mon clavier, et le vôtre, et celui de tous les utilisateurs de clavier du monde !" En l'espèce, l'usage fait foi.

3) Enfin, on peut se demander ce qui est passé par la tête de nos mortels Immortels quand ils ont décidé de donner au signe typographique... le sens du mot qui le suit !
Car s'il y a un "mot-dièse", ce n'est certes pas "#", mais le mot qui suit.
Il y a très longtemps, quand les Immortels (Paix à leurs âmes s'il arrivait qu'ils ne le fûssent pas !) ne savaient pas que l'informatique existait alors que quelques uns d'entre nous ne pouvaient tout simplement déjà plus travailler sans elle, on utilisait assez couramment le mot "balise" pour désigner un glyphe annonçant le caractère spécifique de ce qui allait suivre.
Mesdames & Messieurs les Immortel(le)s, un "hashtag", c'est juste et simplement, en français, une "balise de mot-clé" ou plus simplement, le contexte permettant de lever toute ambiguïté, une "balise."

Pour conclure, j'invite mon honorable correspondant à me montrer par exemple :
Une partition avec un ou plusieurs croisillons à la clé,
Une ligne de code avec un ou plusieurs dièses...

À ce prix-là je pourrai admettre qu'un dièse est un croisillon, qu'un b est un bémol, que tout est dans tout et que l'inverse est également vrai, et que les Immortels le sont vraiment !

5 commentaires:

Didier L. a dit…

Dans la convention Unicode, croisillon et dièse sont bien deux signes distincts :
- 0023 pour le croisillon #
– 266F pour le dièse ♯
A noter que les tirets obliques du ♯ sont destinés à éviter de les voir se confondre avec les lignes horizontales de la partition.
(source : http://monsu.desiderio.free.fr/atelier/croisillon.html)

Un bon article sur le sujet :
http://www.ecrans.fr/Maudit-soit-le-mot-diese,15841.html

Le Chaland qui passe a dit…

Merci pour cette précision. Au fait : les Immortels n'ont même pas de compte Twitter ! C'est fou, non ?

Armand a dit…

Diantre, que d'erreurs et d'inexactitudes en si peu de lignes :

1. Vous confondez l'Académie française et la Commission générale de terminologie et de néologie (C.G.T.N.). L'Académie est membre de la Commission et donne son aval à la publication au J.O., mais elle ne se confond pas avec elle. Pour rappel : Dix-huit commissions, une par ministère, contribuent à la C.G.T.N., chacune ayant entre 20 et 30 membres, dont un représentant de l’Académie française. Les commissions soumettent des listes de termes à la C.G.T.N. (décret 96-602, art. 9), qui doit communiquer avec l’Académie française aussi bien que l’Académie des sciences et l’AFNOR (membre de l’ISO) pour établir la normalisation. Ce processus implique une collaboration étroite avec des partenaires francophones tels que le Canada, le Québec et la Belgique. À la fin du processus terminologique, les termes recommandés par la C.G.T.N. sont publiés au Journal officiel de la République française (J.O.) et rendus disponibles sur le site internet .

2. Le dièse est un signe musical, j'en conviens. Mais le croisillon n'est pas un terme de typographie pour autant (à moins que vous me prouviez le contraire, ce que je ne nie pas a priori, mais je ne peux accepter votre pétition de principe). Vous (ou Wikipédia) ne pouvez pas inventer un nom sorti de nulle part, à moins de citer un ouvrage de référence en typographie, ou justifier ce nom en citant l'usage. Précisément, "croisillon", examiné par la C.G.T.N. (parce qu'on l'utilise parfois au Québec), a été considéré, à juste titre, comme étant très peu présent dans l'usage, contrairement à "dièse". Je ne sache pas qu'on parle de la "touche croisillon" d'un clavier téléphonique.

3. Concernant l'esperluette, elle s'écrit bien de multiples façons, comparez ne serait-ce que le romain et l'italique : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1b/Ampersand.svg/645px-Ampersand.svg.png. La différence est bien plus frappante qu'entre les deux formes de dièse.

4. Les dictionnaires anglais et américains que j'ai consultés donnent hash et sharp comme "synonymes désignant le même signe", votre argument n'est donc pas valide. Ce que dit DL est vrai pour la convention Unicode (il existe deux signes légèrement différents), mais il ne s'agit pas là d'un critère déterminant et le terme "croisillon" ne me semble pas officialisé comme équivalent en France. Et je note que des ouvrages tels que l'American National Standard Reference Manual (consultable sur Google Books) parlent bien de "sharp symbol" concernant la touche # du clavier d'ordinateur, et non de "hash symbol"... Les choses ne sont donc pas si claires que cela, même Outre Atlantique.

Armand a dit…

5. Contrairement à ce que vous prétendez dans votre 3), "mot-dièse" ne désigne pas le # (le dièse). Encore faudrait-il que vous ayez lu sa définition sur France Terme :

"Suite signifiante de caractères sans espace commençant par le signe # (dièse), qui signale un sujet d'intérêt et est insérée dans un message par son rédacteur afin d'en faciliter le repérage.
Note :
1. En cliquant sur un mot-dièse, le lecteur a accès à l'ensemble des messages qui le contiennent.
2. L'usage du mot-dièse est particulièrement répandu dans les réseaux sociaux fonctionnant par minimessages.
3. Pluriel : mots-dièse."

6. "Balise" est bien défini dans le J.O. du 1/9/2000, voyez toujours France Terme :

"balise, n.f.
Domaine : INFORMATIQUE/Internet
Définition : Dans un langage de description de documents, marque destinée à l'identification, la description ou la mise en forme d'un élément de document.
Équivalent étranger : tag (en)"

Ce terme n'a pas été jugé assez précis et fidèle pour rendre "hashtag" en français.

7. Le procès d'intention fait aux académiciens concernant les nouvelles technologies est particulièrement ridicule, quand on sait le rôle que joue Michel Serres (voir son récent "Petite Poucette") dans leur théorisation et leur promotion. La twittosphère lui rend d'ailleurs régulièrement hommage.

8. L'Académie française n'a ni compte Facebook ni compte Twitter officiels, mais un site entièrement refondu il y a quelques mois, et que je vous invite à consulter si vous aimez la langue française.

Cordialement.

Le Chaland qui passe a dit…

@Armand Merci pour cette mise au pas précise et argumentée ! Sans chicaner (je pense que vous avez raison sur bien des points), je vous propose quelques remarques :
1) Parler de l'Académie au lieu de la commission dont elle cautionne en dernier ressort les propositions, c'est juste une sorte de métonymie, non ? Et autorisez-moi à moquer gentiment ces 35 (?) sages qui ne trouvent pas 5 personnes en France dignes de les rejoindre... (Oui, oui, je sais, ils vont les trouver, un jour où l'autre !)
2) Rassurez-vous, je ne suis pas adepte du "croisillon", que je trouve sans intérêt ; il se trouve que cette note continuait un début de débat sur Twitter et que pour gagner 2 signes, j'avais fini par supprimer les guillemets ! Pour tout vous dire, personnellement, j'appelle la touche de mon ordinateur... la touche dièse (ben oui, comme tout le monde.)
3) Mais du coup, quitte à créer officiellement un nouveau mot, autant qu'il soit juste, et je continue à ne pas trouver très juste ce mot-dièse (il fait penser à un mot altéré, alors qu'il s'agit plutôt d'un mot indexé), sans toutefois que ça m'empêche de dormir !
Au fait, comment appellera-t-on un jour l'ensemble @nom, un "homme épinglé" parce que l'arobase ressemble un peu à une épingle tordue ?
4) Et pour terminer, un point sur lequel je ne suis vraiment pas d'accord, c'est l'équivalence qu'il y aurait entre "le" signe et le signe typographique du dièse dont la forme a, comme le rappelle DL un sens ; et l'exemple d'esperluette que vous me proposez n'est pas convaincante non plus à mon avis :dans les 2 graphies on retrouve la trace, plus ou moins subliminale du "e" et du "t" : la boucle à gauche du signe et le croisement à droite.

Merci en tout cas de votre commentaire qui m'oblige à préciser ma pensée, même si ce sujet n'est pas le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune !
Cordialement